Le Forum économique mondial a publié le classement annuel des pays en matière d’inégalités femme-homme dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la politique et de l’économie. L’occasion de faire le bilan après une décennie d’évaluation.
Par Lucile Quillet Madame Figaro
Le Forum économique mondial a publié lundi son rapport annuel sur les inégalités femme-homme. Au programme : l’évaluation et le classement de plus d’une centaine de pays sur l’égalité entre les sexes en matière d’accès à l’éducation, à la santé, au pouvoir politique et à l’économie du pays. Cette édition 2015 permet de mettre en perspective une décennie de données afin de mesurer les progrès réalisés en matière d’émancipation des femmes à travers le monde. « Mais il n’y a pas que des bonnes nouvelles : le rapport montre également tout le travail qu’il reste à faire avant que le monde ne soit égalitaire. »
Globalement, aucun pays n’a atteint l’égalité parfaite entre femmes et hommes. Sur les 109 pays étudiés pendant dix ans, 104 ont amélioré leur score et cinq ont vu la situation des femmes s’aggraver. De 2006 à 2015, le revenu moyen d’une femme a augmenté de 5000 dollars : elle gagne désormais 11.000 dollars annuels, soit le salaire moyen d’un homme en 2006. Ces messieurs, eux, ont vu leur revenu augmenter de 10.000 dollars en dix ans, pour atteindre 21.000 dollars annuels en moyenne.
L’égalité entre femmes et hommes est surtout respectée en termes d’accès à la santé et à l’éducation. Pour autant, si plus de femmes que d’hommes vont à l’université dans 97 pays, reste à constater que les femmes composent la majorité des travailleurs qualifiés dans seulement 68 pays et la majorité des leaders dans quatre pays, souligne le rapport. Les femmes sont plus éduquées mais n’entrent pas pour autant en masse sur le marché du travail. Si près d’1,5 milliard de femmes faisaient partie de la force de travail à l’échelle mondiale en 2006, elles sont désormais 1,75 milliard. Un progrès, certes, mais qui semble bien dérisoire face au total de 2,75 milliards d’hommes en activité actuellement.
L’avancée majeure des dix dernières années s’est déroulée sur le terrain politique, se félicite le rapport du Forum économique mondial. Près de la moitié des pays sondés ont déjà eu une femme à la tête de l’État au moins une fois. Les femmes ont gagné du pouvoir politique au fur et à mesure que leur nombre a augmenté au sein des institutions. Une percée qui amène aux minces chiffres de conclusion : elles représentent 18% des ministres et 19% des parlementaires à travers le monde. En 2015, seuls deux pays possédaient plus de femmes que d’hommes au parlement : le Rwanda et la Bolivie. Et seulement trois, plus de femmes que d’hommes ministres : la Finlande, le Cap Vert et la Suisse.
L’Islande à la 1ère place, le Yémen à la dernière
Le classement de 145 pays en matière d’égalités femme-homme a donc été remis à jour. Depuis dix ans, le Forum économique mondial analyse en détail quatre domaines : l’accès à la santé (ratio des naissances hommes/femmes, espérance de vie), l’accès à l’éducation (taux de lettrisme, participation aux différents cycles scolaires), mais aussi la participation des femmes à l’économie (taux d’activité, égalité de salaire pour un travail égal, écart de salaires moyen, présence aux hauts postes, présence aux postes techniques), et la participation à l’exercice du pouvoir politique (nombre de femmes au parlement, au gouvernement, nombre d’années avec une femme à la tête du pays durant les cinquante dernières années). En 2016, le classement a intégré de nouveaux pays, comme le Bénin (129e), le Cameroun (90e), la Gambie (98e).
Résultat : l’Islande truste toujours la première place du classement global depuis 2009. Comme depuis dix ans, la Norvège, la Finlande et la Suède lui emboîtent le pas, se disputant les 2e, 3e et 4e rangs tour à tour. Suivent ensuite l’Irlande (5e), le Rwanda (6e) (premier des classements sur l’égalité de salaires à travail égal et sur le nombre de femmes au parlement), les Philippines (7e), la Suisse (8e), la Slovénie (9e) et la Nouvelle-Zélande (10e). Le quartet des derniers pays du classement a lui aussi un goût de déjà-vu. Depuis la création du classement, le Yémen a toujours figuré à la dernière place, tout comme le Pakistan (144e) et le Tchad (145e) au sein du top 5. La Syrie (143e), elle, n’y a fait son entrée qu’à partir de 2011, date du début de la guerre civile, transformée en conflit international. L’Iran (141e) fait cette année sa première entrée dans le top 5 négatif.
La France au 132e rang en termes d’égalité de salaire
La France, elle, est positionnée à la quinzième place, après le Rwanda, les Philippines, la Slovénie, la Nouvelle-Zélande ou encore le Nicaragua. L’Hexagone a joué au yoyo pendant les dix années d’évaluation : classé à la 70e place en 2006, le pays est remonté 15e en 2008 avant de replonger à la 57e place en 2012. Hissée à la 16e place en 2014, la France retrouve donc son meilleur score en 2015. Toujours parmi les premiers ex-aequo des classements « éducation » et « santé », la France a rattrapé ses lacunes dans le domaine politique. Au regard de l’année 1991-1992 quand Edith Cresson fut premier ministre, de la parité respectée au sein du gouvernement et de 26% de femmes au parlement, la France hérite donc de la 19e place, derrière l’Inde, la Slovénie et Cuba, entre autres.
Le point faible de la France reste son score sur la participation des femmes à l’économie. Si 67% des Françaises participent au marché du travail, la France est classée 132e sur le critère de l’égalité de salaire entre femme et homme pour un travail similaire. L’écart de salaire annuel moyen entre femme et homme s’élève à 7688 dollars (soit 6888 euros). Au vu de ces critères, la France est classée au 56e rang du classement « économie », entre le Panama et la Gambie, devancée par l’Azerbaïdjan, le Tadjikistan, le Zimbabwe et la Russie.
Certains résultats vont à contre-courant des idées reçues : au sein du classement général, les États-Unis héritent seulement de la 28e position, derrière le Mozambique, le Burundi ou encore la Bolivie, juste devant Cuba. Des pays européens comme la Grèce, l’Albanie, la Hongrie, la République tchèque, la Roumanie, le Monténégro et l’Albanie figurent derrière le Malawi, la Jamaïque, le Bangladesh, le Lesotho ou l’Ouganda. La Turquie, dont la possible entrée dans l’Union européenne est toujours discutée, se trouve bien bas, à la 130e place. Le Japon, lui, est toujours en mauvaise position, malgré ses velléités de doper la croissance à travers la promotion des femmes : elle est à la 101e place, entre Chypre et le Swaziland.