Les entreprises et même la justice rechignent souvent à reconnaître les agressions subies par des milliers de femmes chaque année. L’association AVFT tente de les faire entendre.
La nuit d’hiver est tombée tôt sur le tribunal de grande instance de Nanterre. Dans la salle d’audience, où une clim détraquée souffle un air glacial, trois magistrats s’apprêtent à juger, en son absence, un vieux marchand d’art soupçonné de s’être livré au harcèlement sexuel sur une jeune consœur. Pendant plusieurs mois, l’homme a inondé Sonia* de messages téléphoniques et de lettres avant de traîner dans son quartier, de déposer des roses et des petits mots sur son pare-brise et dans sa boîte aux lettres. Des messages assez explicites comme : « J’aurais dû te coincer dans ma voiture, te faire l’amour comme à une femme quelconque. En pensant à toi, je ne peux même pas me masturber. » Deux plaintes ont été déposées. Deux rappels à la loi ont été prononcés qui n’ont pas empêché l’auteur des lettres de récidiver. D’où la présence de Sonia devant le tribunal cet après-midi-là. À Nanterre, à côté du président du tribunal, la magistrate assesseure chargée de relater les faits lève les yeux au ciel en compulsant le dossier : « Je ne m’y retrouve pas, je l’avoue ! », soufflet-elle, exaspérée. Visiblement, cette affaire de harcèlement sexuel n’est pas à son goût. Elle tance la victime en lui demandant d’abréger. « J’ai attendu cinq ans pour que vous m’écoutiez ! », tente tout de même de se défendre la plaignante. Elle ferme le clapet de l’avocate en l’interrompant dans sa plaidoirie. « Je n’ai jamais vu ça, une fois seulement dans toute ma carrière on m’a coupée ainsi », commentera celle-ci, estomaquée. Elle ajoute dédaigneusement, à l’intention de Laure Ignace, la juriste de l’AVFT (Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail), partie civile au procès : « C’est quoi votre association déjà ? Bon, on vous laisse cinq minutes pour faire vos observations… » « Décidément, les harceleurs peuvent dormir tranquille dans les Hauts-de-Seine ! » lance Laure Ignace dans une colère à peine contenue, pour conclure son intervention. Ambiance électrique. Jugement en janvier.
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