A contre-courant des féministes qui se battent en faveur de l’écriture inclusive, certaines femmes continuent de s’opposer à la féminisation de leur titre ou de leur fonction.
Explications par Sandrine Chesnel https://www.grazia.fr/news-et-societe/societe/des-femmes-s-elevent-contre-la-feminisation-de-leur-fonction-877875
A 43 ans, Marion Aubry occupe un poste important dans une banque publique, à Paris : elle est directrice d’investissement. Ou plutôt, directeur. Car Marion refuse d’accorder sa fonction au féminin : « Le mot « directrice » me fait penser aux directrices d’école, en l’adoptant, j’aurais l’impression de ne plus faire le même métier que mes collègues masculins. Et puis, je crois qu’il y a quand même des combats plus importants que celui-là. »
Une position que partage Nathalie Reiter, 50 ans, avocate à Melun : « J’ai beaucoup de respect pour les femmes qui se sont battues pour nos droits. Mais je ne vois pas l’intérêt de féminiser tous les titres. J’ai prêté « le serment d’avocat » , pas celui « d’avocate » ! Si je devais accorder mon titre avec mon genre, j’aurais le sentiment d’être un avocat de sous-ordre. Le fait de porter le même titre que les hommes gomme nos différences, et fait de nous leurs égales. »
Une histoire de pouvoir
A l’image de Marion et de Nathalie, la féminisation de leur titre ou de leur fonction rebute beaucoup de femmes, notamment chez les quinquas et plus. Une affaire de génération ? Plutôt une histoire de pouvoir, avance Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et agrégée de grammaire : « Personne ne s’oppose à ce qu’on utilise les mots « caissier » et « caissière », des métiers sans pouvoir, alors que « présidente », « préfète » ou « magistrate » semblent avoir du mal à passer dans le langage courant, parfois sous le prétexte que ça ne serait pas joli à l’oreille… Pourtant, jusqu’au XVIIe siècle, la langue française prévoyait des déclinaisons féminines pour les noms de métiers. Les utiliser à nouveau n’est pas un vain combat : la lutte pour l’égalité suppose une approche globale, qui inclue le langage« .
Une lutte qui s’est récemment trouvé un allié en la personne du Premier ministre. Fin novembre, en plein débat sur l’écriture inclusive, Edouard Philippe a demandé que les fonctions tenues par des femmes soient « systématiquement féminisées » dans les courriers administratifs et les actes de nomination. De quoi transformer un geste militant en usage ? C’est ce que pense Cécile Ecalle, 52 ans, directrice d’une école de parfumerie à Versailles : « En réalité, je ne m’étais jamais posé cette question avant ce débat. Quand je me présente à quelqu’un, je dis que je suis directrice, en revanche sur mon profil en ligne ou sur LinkedIn, j’utilise directeur, car ma fonction est neutre : ni féminine, ni masculine. Mais si un jour cette féminisation des titres et des métiers devient l’usage, je l’adopterai sans problème. »