La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité.
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« Ce n’est pas tant l’aide de nos amis qui nous aide que notre confiance dans cette aide. » (Epicure). Nul besoin d’être épicurien pour savoir que le réseau est un facteur fondamental de réussite professionnelle et personnelle. Encore faut-il avoir le réflexe de le solliciter ! C’est le plus ancien « réseau social » : tout s’y partage et s’y troque, que ce soit nos adresses secrètes, nos « tuyaux » pour les ventes presse, ou les recommandations des médecins, des avocats, des artisans, des comptables, des coachs, des cabinets de recrutement… « Je viens de la part de X » devient alors l’équivalent de « Sésame, ouvre-toi ! ».
Avoir un réflexe réseau chaque fois que l’on a besoin d’une référence, d’une adresse, cela signifie gagner du temps et faire un raccourci en efficacité. A force de le pratiquer, une véritable « constellation » se construit autour de vous : vous avez un dentiste qui est un « joaillier » du sourire, moi un acupuncteur génial, notre amie commune a ses entrées dans un réseau professionnel influent…
Le réflexe réseau est radicalement différent du réflexe « piston ». Ce dernier consiste à « pousser » quelqu’un à accéder à quelque chose qu’il ne mérite pas forcément : « Ne restez jamais debout quand vous pouvez être assis ; n’allez jamais à pied quand vous pouvez prendre une voiture ; ne manifestez jamais d’ambition quand vous pouvez être pistonné. » (Laurence J. Peter).
La force du réseau est véritablement à l’opposé de cette conception des choses. Il est basé sur la solidarité, la mise en commun des expériences qui, à terme, ont abouti à une cristallisation des « bonnes adresses et références » (à la différence de médiocres). Ces ressources mises en commun constituent un capital à faire fructifier par le cercle des initiés, autrement dit une bourse des talents à votre service. C’est aussi une banque de générosité amicale où, quand vous faites un dépôt, vous attendez un retour sur investissement.
Car non, il ne s’agit pas de banal carnet d’adresses, mais plutôt d’appartenance. Fut un temps, on ne trouvait pas de travail sans lettre de recommandation ou une introduction par un tiers. Aujourd’hui encore, « Je viens de la part de… » est une formule magique qui vous garantit un bon accueil. De plus, en introduisant quelqu’un de façon non intéressée, vous gagnez des points en positionnement : il/elle partage ses ressources. « Plus l’homme est placé haut sur l’échelle sociale, plus le réseau de ses relations avec les autres hommes est étendu » écrit Léon Tolstoï. Votre « constellation » est le reflet de votre capacité d’influence, de votre niveau d’exigence et de votre positionnement. Le côté « exclusif » y contribue aussi : show-room ouvert seulement sur recommandation, restaurant secret, concert privé… D’ailleurs l’introduction est souvent accompagnée par cette remarque « N’y amène pas n’importe qui… ».
C’est là-dessus que le réflexe réseau se différencie fondamentalement du « piston » : seuls les méritants en font partie et ont accès à ma « constellation ». Amalgamer ces deux notions est donc très dangereux ! C’est se couper de ressources fondamentales qui permettent de surmonter la plupart des obstacles (trouver un job, un stage à un jeune, un bon artisan…). Là où le piston est une démarche à court-terme aride, le réflexe réseau est durable et auto-fertilisant : la réussite de vos introductions vous met nécessairement en valeur, et donne plus de poids à vos actions futures.
Débarrassez-vous de la connotation négative culturelle associée au réseau. Au contraire, mettez-le en commun et osez demander à ce qu’on partage le sien avec vous. Après tout, « On ne jouit bien que de ce que l’on partage » (Madame de Genlis).
A FAIRE
1// Cultiver les ressources
Partez à la recherche de vos ressources réseau. Entretenez-les et créez des passerelles. Informez vos proches de votre démarche et associez-les y : c’est ainsi que vous créerez de la valeur.
2// Apprendre à partager
Ce n’est pas « naturel » de partager, on a souvent envie de garder ses « bonnes adresses » pour soi. Il y a un véritable plaisir à partager son réseau et à observer l’impact positif créé chez l’autre et sur soi. Entraînez-vous, d’abord avec de petits partages sans danger, puis augmentez l’enjeu.
3// Croiser le réseau pro & perso
Ne séparez pas fermement ces deux dimensions, mais adoptez plutôt une approche de fertilisation croisée : partager son réseau personnel avec un collègue aide à gagner l’amitié et le respect, partager son réseau professionnel avec un ami augmente votre aura et resserre les liens.
A EVITER
1// Avoir peur
Un proverbe danois dit « Celui qui a peur de demander est honteux d’apprendre ». C’est un virus mental collectif français inculqué à l’école : celui qui demande n’a pas compris, c’est « la honte ». Au contraire sollicitez votre entourage : vous serez étonnés par leur générosité.
2// Se braquer
Quelqu’un met son réseau à votre disposition pour vous aider ? Ne rejetez pas son aide et ne vous focalisez pas sur le négatif. Le partage est toujours une démarche positive, soyez curieux et explorez sa proposition avec sincérité.
3// Être trop tolérant
C’est aussi nuisible que d’avoir un angle mort sur l’utilité du réseau. Un niveau d’exigence minimum est obligatoire pour que votre constellation ait de la valeur. Cela signifie dire « non » ou donner un feedback négatif lorsque c’est nécessaire. Paradoxalement, vous en serez plus apprécié et écouté…