La chronique de Bernard Jullien, Maître de Conférence à l’Université de Bordeaux et conseiller scientifique de la Chaire de Management des Réseaux du Groupe Essca.
Dans sa croisade MAGA (‘Make America Great Again’), Donald Trump a ciblé très clairement les constructeurs automobiles et leurs sites d’assemblage mexicains. Il s’en est pris d’abord à Ford et GM, en laissant curieusement hors de portée de tweets FCA qui assemble pourtant 18% de ses 2,6 millions de véhicules produits en Amérique du Nord au Mexique.
C’est un peu moins que GM (18,5% de 3,8 millions) mais c’est beaucoup plus que Ford (12,5% de 3,1 millions) (1).
C’est maintenant le tour de Toyota qui, avec 4,6%, est pourtant parmi les moins « mexicain » des constructeurs produisant des véhicules en Amérique du Nord pour le marché des Etats-Unis principalement.
On pourra voir là naïvement une manifestation de la légèreté de Trump dans l’analyse du dossier. On devrait surtout y lire, nous semble-t-il, l’objectif qui est le sien et qui concerne bien davantage les projets annoncés ou en cours : ce que vise Trump est clairement une remise en cause d’une dynamique de délocalisation qui a fait du Mexique une espèce d’Eldorado automobile (2) dont on pensait qu’il serait capable de voir sa production croître en 3 ans de 50% et passer de 3,5 millions de véhicules à 5 voire 6 millions alors même que le marché mexicain, avec une croissance de 19% cette année, dépasse à peine les 1,5 millions de véhicules (9% du marché des USA) pour une population de 122 millions (38% de la population des USA).
De fait, comme en Europe, la crise a été pour les constructeurs présents en Amérique du Nord une opportunité pour organiser et faire accepter une nouvelle géographie de leur production : les restructurations soutenues par les administrations Bush puis Obama pour sauver les Big 3 du naufrage ont conduit à la fermeture de 11 sites d’assemblages aux Etat-Unis (3); depuis 5 ans, 9 des 11 nouveaux sites d’assemblage qui sont nés en Amérique du Nord ont concerné le Mexique (4).
Le résultat est que la production aux Etats-Unis bénéficie certes de la bonne tenue du marché et a retrouvé en 2015 son niveau de 2005 (12 millions) mais, dans la même période, le Mexique a gagné 2 millions de véhicules et tout porte à croire que, en cas de retournement du marché, les sites mexicains récents souffriraient moins que les sites des Etats-Unis.
En pâtissent non seulement les vieux Etats de l’automobile comme le Michigan mais aussi les Etats du Sud qui espéraient bien que leur virginité automobile – et syndicale – et leurs politiques d’accueil très offensives des usines automobiles continueraient de leur profiter.
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