Bruno Guillemet, DRH Valeo : « Le turnover des femmes chez Valeo est inférieur à celui des hommes »

Avec 33% de femmes sur l’ensemble de ses effectifs et 20% dans le Top 100, Valeo est le benchmark du secteur automobile sur la question de la mixité désormais fortement ancrée dans la culture de l’entreprise. Explication avec Bruno Guillemet, DRH Valeo.

Nos lecteurs le savent bien, la mixité est une question qui nous tient à cœur et pour laquelle la rédaction d’Autoactu.com agit à travers l’association Wave. Parmi le constat désormais partagé, il y a celui que la performance des entreprises est meilleure lorsque la mixité est une réalité. Un fait parfaitement illustré par Valeo qui cumule taux de croissance de son chiffre d’affaires (+14% avec 14,5 milliards d’euros en 2015) et amélioration de sa rentabilité (+22% pour sa marge opérationnelle en 2014 à 7,7% de son chiffre d’affaires) avec une proportion élevée de femmes dans l’entreprise à 33%. C’est le niveau le plus élevée dans le secteur automobile (*) à la fois pour l’ensemble des effectifs et pour le Top 100 qui compte 20% de femmes, les chiffres sont moins bons au niveau du comité opérationnel où la part des femmes n’est que de 12,5% (2 femmes sur 16 personnes).
Quelle est la recette de Valeo ? c’est la question que nous avons posée à Bruno Guillemet directeur des ressources humaines de Valeo depuis novembre dernier et qui a occupé cette fonction chez Alstom (où il est entré en 2004) après avoir été chez Danone.
Autoactu.com : Vous avez 33% de femmes dans vos effectifs et 20% au niveau du Top 100, soit le plus haut niveau de l’industrie automobile, comment expliquez-vous cette situation ?
Bruno Guillemet :
Sincèrement, si nous avons un écart, c’est le résultat d’une politique continue qui ne date pas d’hier. Nous avons chez Valeo une population manufacturière importante avec un travail de précision et une attention extrêmement forte sur la qualité. Je remarque dans la filière automobile, y compris chez les opérateurs, un nombre de femmes important sur ces sujets.
Sur la population des ingénieurs où vous avez une proportion de 18% de femmes à la sortie des écoles si nous disons que nous voulons une femme pour deux embauches c’est impossible mais il est important de se situer au-dessus. Nous sommes autour de 24% de femmes ingénieurs chez Valeo ce qui veut dire que nous prenons des parts de marché.
Autoactu.com : Comment faites-vous pour « prendre des parts de marché » auprès des femmes ?
Bruno Guillemet :
Toutes les femmes qui rentrent sur le marché du travail ne sont pas attirées par l’automobile. Je constate qu’avant c’était la finance et qu’aujourd’hui les valeurs industrielles sont plus fortes que par le passé.
Il faut s’investir beaucoup. Nous partons avec un relatif handicap et il faut faire connaitre que l’on a envie de recruter des femmes et le faire très tôt dans leur parcours. Comme beaucoup d’autres entreprises nous faisons partie de l’association Elles bougent dont j’ai été président d’honneur en 2008 lorsque j’étais chez Alstom et dont je serai président d’honneur pour la 2e fois cette année
Autoactu.com : Est-ce que avec 33% de femmes vous avez atteint un seuil de visibilité ?
Bruno Guillemet
: A partir d’un certain seuil c’est probablement plus facile. On se rend compte qu’on est plus attractif pour les femmes qui se disent qu’il y a une place qui leur est faite et qu’il y a des opportunités d’évolution.
Cela se voit aussi par les démissions. Ce n’est pas le tout de recruter des femmes, il faut aussi qu’elles restent. Depuis 2 ans, le turnover des femmes chez Valeo est inférieur à celui des hommes.
Autoactu.com : Quel est votre plan d’action ?
Bruno Guillemet :
La première étape a été de donner de la visibilité au sujet dans l’entreprise. L’équilibre homme/femme est un sujet business. Il faut expliquer quel bénéfice apporte l’équilibre homme/femme.
Une fois établies les données statistiques, il faut des indicateurs et en suivre les progrès. Il faut donner des objectifs et assigner cette responsabilité à des personnes bien identifiées dans l’entreprise.
Il faut aussi être capable d’identifier une liste de femmes à potentiel que l’on va surveiller, mentorer et coacher.  Cela nous demande d’être proactif et à l’écoute de leurs attentes.
Nous avons chez Valeo la chance d’avoir un patron très attentif à ce sujet. Lorsque je vais le voir avec mes listes, il nous fait souvent rebattre les cartes pour être sûr que nous n’avons pas oublié de noms.
Le recrutement est une étape importante et nous avons la chance chez Valeo d’être dans une croissance forte. Dans les 3 à 5 ans qui viennent nous allons embaucher 40 000 personnes, dont 3 000 à 4 000 en France y compris les remplacements. C’est une opportunité incroyable. Nous devons en profiter pour être plus concentré au moment du recrutement.
Après le recrutement, il faut aussi oser des mobilités dont certaines sont un peu à risque. Il faut que le management envoie des signaux visibles avec des femmes à des postes où on ne les attendait pas. Récemment, nous avons nommé une femme polonaise dans un environnement franco-français et nous avons de très bons retours.
Autoactu.com : Quelle vigilance supplémentaire pouvez-vous avoir au moment des recrutements ?
Bruno Guillemet :
Nous sommes dans une société masculine où on regarde les CV avec un œil masculin et on peut passer à côté de quelqu’un. Cela se joue en quelques secondes au départ.
Nous avons un  projet pour valoriser les personnes capables de nous apporter de bons candidats et qui contribuera à faire venir quelqu’un de son réseau.
Une des mesures à mettre en œuvre est d’imposer aux agences et cabinets de recrutement dans leur sélection au minimum une ou deux femmes alors que souvent ils ne nous proposent que des hommes.
Autoactu.com : Quelles sont les actions spécifiques que vous avez menées ?
Bruno Guillemet :
Une des choses qui a bien fonctionné au moins en visibilité a été la mise en place en 2013 de comités de diversité avec 4 thèmes : équilibre des genres, insertion des handicapés, conflit de génération et diversité culturelle. Chaque comité diversité a un sponsor au sein du comité opérationnel qui l’anime avec un plan d’action et des indicateurs de performances. Le comité diversité genre dont Catherine Delhaye, directrice éthique et conformité, est l’animatrice a été très actif. Nous avons également un réseau de femmes, Connected women, animé par la directrice générale de la filiale Amérique du Nord de Valeo.
Aujourd’hui, les enquêtes que nous faisons sur l’engagement au sein de Valeo montrent que l’équilibre homme/femme n’est pas considéré comme un problème.
Autoactu.com : Quels sont vos objectifs ?
Bruno Guillemet :
Nous avons un objectif interne de passer à 40% de femmes en 2026. Augmenter de 7 points en 10 ans ne sera pas simple. Nous n’y arriverons pas si nous ne changeons pas beaucoup de choses. Nous avons une moyenne de femmes à 24%/25% dans les recrutements, nous devrons porter cette moyenne à 30%. Nous avons la chance que le turnover soit plus faible chez les femmes, ce qui va nous aider.
Propos recueillis par Florence Lagarde

(*) Selon leur rapport annuel 2015 la part des femmes est de 33% chez Valeo, elle est de 28% chez Faurecia, 19% dans le groupe Renault, 18% dans le groupe PSA (hors Faurecia) et 17% chez Michelin.
Selon Ethics&Board, sur des données à septembre 2015, la part des femmes dans les 100 premiers cadres dirigeants de l’entreprise (selon l’ordre hiérarchique), chez Valeo 20% sont des femmes, tandis que cette part est de 17% chez Renault, 10% chez Plastic Omnium, 8% chez PSA et Michelin, 7% chez Faurecia.

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